mercredi 20 avril 2011

Et on ne grandira jamais...


Après une discussion éclairée avec Le point G, (he's always got a point)... on en est venu à la conclusion que ma génération était une génération sacrifiée à qui on a jetée trop de poussière de fée aux yeux. Autrement dit, on a passé beaucoup d'heures à se payer du rêve, et à vouloir être unique et reconnu en éloignant au plus possible la réalité. La réalité du taf, la réalité des factures, et la réalité de la "normalité". Car la normalité, c'est pas bien vu. On est tellement plein d'idéaux utopiques qu'on méprise cette normalité, consciemment ou non. On veut s'illustrer dans un domaine, voire plusieurs, être tous des artistes, et on cultive le souhait de reconnaissance. On alimente nos rêves, sans s'apercevoir que les élus seront deux gouttes d'eau dans l'océan.
On a été et on est bercé de ça :

- des pouvoirs magiques qui consistent à brandir des baguettes magiques et lancer des regards mystérieux de la mort qui tue (en imaginant que nos yeux jètent des éclairs) en se proclamant clairvoyants lucifériens


- des groupes de copines goth/sorcières/perdues/geek/cool, rayez la mention inutile, avec qui on traîne tout le temps car plus on fait les mêmes trucs collectivement, (souhait clanique oblige) plus on se fabrique de l'identité individuelle. (c'est tordu hein?)



- des livres trop anciens trop rares qu'on pourra montrer à ses copines en se la pétant grave. (t'as vu, j'ai un livre unique = t'as vu, j'suis unique = je possède donc je suis.)



- des trucs de ouf trop sensationnels qu'on fait avec ses potes entre les pyjamas parties et les boutiques. "c'était pas notre imagination non!" (putain on est vraiment originales et uniques! = distorsion de la définition d'unicité... ah bon un groupe c'est pas "un"? peut-être UN cerveau pour 4 oui...)

(légères tendances paraphréniques dans mon adolescence je dois avouer...)

- une maison de folie qu'on partagera avec notre bande de potes de fac dans laquelle on fera une coloc bigarrée et joyeuse pour toujours.


- une carrière d'écrivain parce qu'à 10 ans on écrivait des poèmes que les parents affichaient à côté des photos de famille sur la cheminée...


- le lifestyle de rockstar qui va avec


- une carrière de musicien parce qu'on gratouille une fois l'an...

En conclusion,
Ne nous méprenons pas, j'ai pris du LSD et des anabolisants dans mon biberon, j'ai bien été élevée aux herbes magiques, et je mangeais ma soupe dans un chaudron.

J'ai adoré ces années de rêve, et je rêve toujours autant. Mais je dois faire un bilan de mon utilité sociale : nulle. Je ne pourrai pas vivre éternellement ainsi, pourtant entrer dans l'engrenage du travail et de la normalité me donne de l'urticaire et me fout les pétoches à mort. Pas mal de gens de ma génération ressentent la même chose, et cultivent aussi leurs jardins utopiques avec ardeur. Le point G arguait que toutes ces séries, ces films n'avaient pas forcément aidé. Je suis d'accord, je suis toujours aussi fan de Buffy, des supers pouvoirs, et je serai toujours bon public pour qu'on me lance de la poudre aux yeux. Mais je reconnais que tout ce pan strass et paillettes de nos vies nous donne une vision tellement géniale-wahou-méga-épileptique des choses que la normalité paraît fadasse à côté. Et se reconnecter aux choses simples et nécessaires à notre survie devient difficile. Réaliser un rêve c'est tout un parcours, on se berce un peu d'illusions, ça nous fait comme de l'électricité dans le corps, on vit pour ce rêve, et puis on le réalise, on se rend compte qu'il est somme toute pas si EXTRAordinaire que ça. Alors on poursuit un autre rêve pour obtenir cette sensation électrique à nouveau... Mais en ce monde, ce sont nos actions qui comptent. Ce sont les interactions qu'on aura avec les autres. Chercher dans le rêve la sensation de bonheur pour devenir frigorifiée par les sensations du réel, là c'est chaud. C'est la déconnexion. Et je me sens très souvent déconnectée. J'aimerais toujours rêver, mais je vais devoir essayer de me diluer dans la norme, juste pour (sur)vivre, et ne pas me désaxer de l'humain pour toujours.