mardi 19 novembre 2013

Solitude

Assez régulièrement, surtout à l'approche de l'hiver, j'éprouve une sorte de mini nervous breakdown. Évidemment, le climat nous fatigue davantage, nous sommes fragilisés, mais pas seulement. J'ai souvent cette impression/intuition que le rythme extérieur à nous (saison, déroulement de l'année scolaire...) influence complètement notre climat interne. Je me sens complètement balayée par le vent, érodée par la pluie, et la nuit se fait en moi de plus en plus. Je perds les liens tissés durant l'année à mesure que les feuilles tombent et jonchent le sol de couleurs d'autrefois et de bons moments passés. Tout cycle impose une métamorphose, les élagages sont aussi nécessaires que les périodes d'efflorescence. C'est juste qu'il n'est pas toujours aisé de laisser la morsure du froid entrer et épurer les vestiges des saisons chaudes. Alors la solitude s'impose comme étant la suite logique des évènements, car l'hiver se vit en soi, et non dans l'opulence et la cuisante chaleur des feux de bois... Cette période de dépouillement et de recentrage me semble nécessaire. D'habitude, mes émotions sont toujours un peu engourdies par l'agitation ambiante. Je suis happée dans une spirale et ne m'en porte pas si mal. Disons que je ne pense pas avoir le gêne du "control freak" très prononcé... Mais à l'approche de cette mise à nu hiémale, les sonorités, les couleurs, les émotions qui flottent autour de moi me semblent accrues... J'ai du mal à m'en détacher, elles m'exaspèrent, elles m'envahissent. Tout est magnifié, amplifié, et j'ai l'impression que je ne vais jamais pouvoir continuer à ce rythme. Les piles de papier s'amoncellent, les contraintes semblent se cristalliser comme des étoiles de glace tranchantes, et je ne sais plus gratter le plaisir caché sous cette terre sèche et frigorifique. Un cri m'écorche, un râle m'abat, et cette hypersensibilité momentanée n'est pas du tout la bienvenue. Mais si je la rejette, je rejette aussi la transformation qui accompagne naturellement l'année... Je me demande juste si c'est vraiment sporadique, dépendant du contexte, ou si cette impression va perdurer et prendre une forme beaucoup plus concrète dans les mois à venir. Est-ce que le sentiment de "trop plein" va permettre d'achever la transformation? Est-ce que je daignerai réaliser tous les projets qui me tiennent à coeur et demandent une discipline de fer? Ou est-ce que j'intégrerai toute cette partie là comme un "mal nécessaire"? Pourtant, je ne vois pas en quoi un mal non intériorisé comme pouvant être utile peut nous aider... s'il est encore extérieur, c'est que nous ne pouvons ou ne sommes pas prêts à l'accueillir. Je n'aime pas trop hâter les choses, je sais que la simple prise de conscience permet un travail liminaire qui débouchera sur une action finale.
C'est dingue comment c'est toujours la même chose chaque année, à peu de choses près... En octobre, je savoure les derniers instants de douceur, chaleur, en novembre/décembre, je fais une cure d'ascétisme émotionnel/relationnel..., en janvier, je recommence à fomenter des plans, des projets, tout doucement.. en février/mars les choses refleurissent peu à peu, et j'esquisse quelques brouillons, les pulsions se font beaucoup plus fortes. en avril/mai, c'est l'acmé relationnelle, créative et instinctuelle. en juin/juillet, je m'arrête soudain, tout me semble figé. en août/septembre, je me hâte, et médite beaucoup plus, puis l'année boucle la boucle fin octobre, au zénith parfait entre débris de plaisir, méditation-recentrage et épurement. J'aime l'automne pour la douceur qu'elle dégage, la caresse du froid qui crée un rééquilibrage. L'été me laisse complètement atone, neutre, le printemps me submerge trop, et l'hiver demande une certaine lutte de territoires pas toujours évidents à concéder. Mais pourtant, je crois que j'aime cette influence saturnienne, car je sais qu'elle m'apporte ce que je ne fabrique pas naturellement.