lundi 9 août 2010

La nuit...

Article écrit il y a plus d'un an et demi...

re-définition du temps : qu'est-ce que la nuit?
J'ai fait une drôle d'expérience récemment. Au beau milieu de la nuit vers 1h, alors que je venais tout juste de m'engouffrer dans la sphère du sommeil, quelqu'un m'appela. Réflexe immédiat : je décrochai, les yeux encore noyés sous le couvercle lourd du sommeil. Tout d'abord, les mots coulaient seuls, et je n'avais pas besoin de solliciter mes neurones, ils établissaient les connexions directement, sans même que j'interfère dans ces labyrinthes de complexité! Je me découvris beaucoup plus loquace qu'à mon habitude, n'hésitant pas à enrober, détailler, expliciter, et éclairer sans cesse mes propos de nouvelles lumières, que le jour, la ligne droite de la raison n'étaient pas en mesure de m'apporter.
La nuit est l'espace du labyrinthique, du floutage des frontières, de l'instinct ainsi que de l'intuition. Selon une étude, l'être humain ne devrait pas morceler ses journées en 24h, mais 25. 25h, c'est ce qui se rapprocherait plus idéalement de notre rythme naturel... De même, pourquoi se lever le matin à 6h ou 7h? Pourquoi pas à 8h, et le lendemain à 9h, puis 10h etc. Voilà qui nous libèrerait du lourd faix qu'est de se lever. Esclavage quotidien à son instrument de torture le plus familier : le réveil. S'il nous était permis de nous auto-gérer, nous pourrions faire de nos journées des lieux de détente et de plaisir, dépourvues de l'aspect mathématique, rigoureux, et castrateur de nos emplois du temps. On n'a jamais cessé de diviser le temps, de vivre selon des calendriers, des horloges, de s'habituer à ce « confort », ou plutôt à cette subordination à des automates censés nous faciliter l'existence, nous épargnant bien des questionnements, et doutes sur notre façon de mener notre vie. Mais à l'origine, le temps n'est-il pas éternité et fugacité à la fois, fertile et stérile, passé et présent? Ses contradictions lui donnent du sens.
Et je débitai ces paroles au coeur de la nuit, sans m'être consultée auparavant. Je me rendais compte que passé le seuil du vespre, tout juste émergée d'une veille profonde, j'avais comme accès à un état de conscience supérieure. Tous les mots se fondaient dans l'expression la plus spontanée, et les verbaliser projetait la lumière sur leur sens originel. La parole semblait fluidifiée par cette absence de confrontation de moi à moi, exercice si bien intégré que la journée et ses moments morcelés m'obligent à faire instantanément. J'ai tellement peur de ne pas être cohérente et précise que je passe mon temps à trouver les bonnes formulations, les bonnes transitions, annihilant le ressenti du mot, annihilant la texture du mot, et les résonances nouvelles qui en découleraient si jamais je l'écoutais, je le sentais, et je le goûtais comme un fruit juteux qui s'éparpillerait et ferait naître de nouvelles pousses.
La nuit, tous les repères temporels sont détruits. On traverse une phase où entre chien et loup, on ne discerne plus bien les hommes, les animaux, les heures, les lieux. Tout se fond en une seule énergie qui est celle de la nuit prolifique et mystérieuse. J'aimerais vivre un peu plus la nuit, re-découvrir des paysages que je ne connais qu' éclairés par une lumière diurne, écouter les changements de rythme des choses tout autour. Mais si tous les êtres en prenaient conscience, alors ils vivraient plus la nuit, et gâcheraient ce moment sacré en le profanant d'ivresse assourdissante et de paroles parasites. La préciosité de cet espace-temps ne tient qu'aux interdits et aux craintes qui le caractérisent... il est défendu de se promener dans les parcs, errer dans les rues ne semble pas approprié, ni même laisser sa fenêtre ouverte sur la nuit. Rien d' « approprié »! Mais approprié à quoi? Aux règles implicites de la journée? De la vie découpée en tranches horaires et en devoirs et dettes multiples? Pourquoi devraient-elles régir le seul moment qui nous appartienne réellement, et enfin, pourquoi devrions-nous nous approprier ces devoirs qui ne sont pas les nôtres?
J'ai envie de mieux connaître la nuit et d'explorer les mondes de la veille, du sommeil paradoxal, et de voir mes rêves essaimer, ma langue se délier, mes idées délirer, et enfin bâtir des châteaux hantés, sans qu'aucune loi ni morale n'entrave cette dynamique nocturne...

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