mercredi 22 décembre 2010

Bordeaux. Voyage intérieur.


Octobre :

Voilà maintenant un mois que je suis bordelaise. Malheureusement, ce périple est un passage, et non un ancrage d'après les plans qui se bousculent dans ma tête. Mais les plans s'avèrent parfois de vastes chimères et la réalité une main puissante qui nous empoigne et contre laquelle nous ne pouvons lutter. Mon statut de bordelaise est donc nébuleux et indistinct, mais il se dessine au fur et à mesure que mon corps et mon esprit habitent cette ville.

Je ressens diverses émotions eu égard à mon nouveau berceau. Aristo, branché, wannabeparisian, rétro, ville-musée, population argentée et poésie des quais. Il y a de tout cela. Ici, on se sent rapidement important. Ecoles de commerce, banques, hommes et femmes d'affaire, il y a dans l'air l'amour de l'égo, l'amour du pouvoir. Les jeunes sont aériens, volatiles et pâles, les middle age sont ancrés, présents, et remplis de décisions. Les enfants sont des adultes miniatures aux moeurs et aux us décents et raffinés. Beaucoup courent après l'image et les icônes, ils les fusionnent avec leurs corps inachevés, leurs âmes affaiblies. Les toits sont beaux et poétiques, mais trop souvent préoccupés. L'horizon est apaisant car la perspective devient floue et ambiguë. Les premiers plans sont objectivement ravissants, mais trop de sentiments contradictoires en jaillissent. Comme dans toutes les grandes villes, on court après la paix. Dans les cafés, les parcs, les discussions le long des quais et les promenades amoureuses. Il y a ce sentiment d'ébullition où qu'on aille, comme si un nuage de feu peuplait notre tête et nous empêchait d'y voir clair, de dessiner un trajet limpide, comme si chaque vitrine, chaque arbre, chaque place, chaque distraction servait à nous détourner et à remplir notre être de colifichets et talismans vitaux. Contrairement à un village, ou toute zone moins encombrée sur le plan humain comme géographique, on ne peut définir sereinement notre relation de soi à l'univers. Dans un lieu moins dense, une relation de paix s'établit entre monde et être, le monde servant de miroir à l'homme. La distraction est diffuse, et permet la réflexivité. Il est très dur d'évoluer en toute objectivité sereine dans une ville aussi enfiévrée que Bordeaux. La concentration de choses, d'activités et d'âmes perturbe notre circuit interne. Notre fonctionnement propre en est érodé. S'installe paradoxalement un décalage dans la mécanique de l'être au fur et à mesure que le mécanisme de la ville semble de mieux en mieux huilé.

J'aime artistiquement parlant Bordeaux. Mais je n'aime pas humainement parlant la ville. Elle est trop épileptique de lumières et de divertissements dans le sens premier du terme, de détournements de ce vers quoi je tends naturellement. L'urbain et ses charmes laissent trop peu de place au naturel et à sa simplicité, sa vérité. Dans sa richesse et sa pluralité il y a aussi la fausseté, bien trop conquérante...

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