jeudi 17 juin 2010

Créer.

Créer, créer, créer, il n'y a que ça qui compte à mes yeux. Je suis fatiguée d'entendre des interprètes, de voir des interprètes. Il y a certainement des gens qui ne veulent pas se fatiguer, et à qui ça convient très bien d'imiter, de jouer un rôle perpétuellement. Un éternel interprète est aussi un imposteur de sa propre vie. On a tous la capacité de faire quelque chose de notre vie, de la créer et la composer comme bon nous semble... dans une certaine mesure. Se rendre compte de son aliénation est un premier pas dans la composition et la création de sa propre vie.
L'imitation est un bon exercice, mais il présente de grandes limites. Je prêche l'imitation en vue d'acquérir une technique, des idées que nous n'aurions pas eues tout seul, le talent n'est heureusement pas inné, il se travaille, se modèle et se façonne. Mais comment refuser de ressentir toute la jouissance suprême à créer, composer, accoucher du fruit de notre esprit? Comment ne pas céder à la possibilité de transcender une oeuvre en se l'appropriant, en pratiquant le lâcher prise, et accéder à une sorte de transe mystique? Je pense que nous sommes tous les instruments de la Transcendance, et nous avons tous la capacité d'écrire, danser, chanter, s'exprimer, inventer et composer des instants d'Eternité, dans lesquels d'autres se reconnaîtront, voyageront, jouiront, s'abîmeront.
Mon problème est que j'aime tellement tout m'approprier et tout recracher à travers mes brouillaminis personnels, que je crée avant d'acquérir la technique si précieuse à l'artisan. Du coup, ça donne des petites merdes, comme on peut s'en douter. Mais je jouis intensément quand j'arrive à faire ma petite merde correctement. Je sais que la merde en barre m'acheminera vers la merde liquide, vers la crotte, puis peut-être jusqu'à la fleur pour filer la métaphore.
Il y a des domaines où d'un point de vue général, je suis un peu moins une merde, mais il y a des domaines où je me lâche totalement en n'apprenant quasiment pas de technique par découragement constant. Quand il n'y a pas d'émulation sociale, je me décourage. Je veux dire : quand il n'y a pas un groupe avec des éléments de comparaison, je me décourage... Seule, je vois quelque peu mes progrés, mais je me lasse de jouer/écrire/danser seulement pour ma gueule.
On a tous besoin de co-équipiers, d'un auditoire, de gens qui aiment, de gens qui soutiennent. Sinon on resterait dans son lit, voûté et tout dégueu. J'ai tellement besoin de (mon) co-équipier(s), d'un auditoire. J'ai tellement besoin de communiquer ce qui m'anime. Et de communier avec les autres. J'ai tellement besoin d'évènements fédérateurs humainement parlant. Assister à un concert, entrer dans cette putain de transe que j'aime tant, de proposer ce que je fais et pense à d'autres ouverts à la discussion. J'ai tellement besoin d'approfondir, d'écouter, et de parler, parler, m'exposer, prendre des risques. Qu'on me balance des objets à la gueule, qu'on me prenne dans ses bras, qu'on me déchire dans une étreinte fatale! Bordel, j'ai besoin de contactS.
Et par-dessus tout, je demande qu'à partager. Partager ce que je connais, qu'on me fasse partager sa vie, ses choix, son histoire, ses expériences et son savoir. Partager et improviser ensemble. Créer une oeuvre instantanée, inédite, unique, que ce soit une conversation passionnée, une chanson enflammée, la lecture embrasée d'un poème... Tant que l'Emotion du moment nous unit dans une eurythmie de folie, un moment où on se situe exactement sur la même longueur d'onde, tous dans le rouge, tous dans le bleu, tous dans le vert... Le spectre lumineux n'aura alors plus de secrets pour nous.
Je suis la personne la plus frustrée au monde quand on me demande de voir/assister sans participer. Quand on me dit "je vais te parler du Livre des Esprits" et que ça vire au cours magistral. Je peux ne pas parler et être absolument présente et unie a mon interlocuteur. Mais qu'on laisse de la place au ressenti, bordel. J'ai l'impression de trop souvent assister à un cours dans ma vie. Tiens voilà, je vais te parler d'un truc passionnant, je vais te jouer un air incroyable, mais toi tu n'as pas ta place, tu regardes et tu la boucles. Je comprends bien que mon interlocuteur ne veut ou ne peut me faire de la place. Ou il a un égo tumescent ou il a une honte qui le ronge, il se cache derrière son talent, il ne m'offre rien. Je suis FRUSTREE.
J'ai tant besoin qu'on m'offre, et j'ai besoin d'offrir. Fin du chapitre 1.

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